© Laurence Godart | Vue de l'exposition Intuition à Juvisy-sur-Orge.

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Intuition | 2011
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Plexiglas usiné, pompe à vide, bobine d'induction, programmateur.
23 x 31 x 3 cm.
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Projet réalisé en collaboration avec Stefan Kubsky, physicien au Synchrotron Soleil, et Pierre Dhez, ancien directeur de recherches au CNRS, dans le cadre de la biennale : La Science de l'Art (2011), Conseil Général de l'Essonne.

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"Flavien Théry présente ici une installation hybride, entre proposition esthétique et expérience scientifique. L'objet présenté est plus qu’un simple objet, il est un dispositif mettant en oeuvre un phénomène physique, résultat d'une expérience qui s’est déroulée en plusieurs étapes :

Sous la forme conceptuelle d’un postulat, Flavien Théry propose l’intuition selon laquelle le comportement de la lumière (incarnée ici par une décharge électrique luminescente au sein d'un gaz rare), soumise au parcours contraint d’un labyrinthe, serait l’application concrète d'une loi physique : "Je vise à formaliser une image inspirée par le principe de Fermat, en vertu duquel la lumière se propage d’un point à un autre sur des trajectoires telles que la durée du parcours soit optimale." Bien qu’empruntant un parcours sinueux, sa trajectoire devrait, selon cette intuition, rester la plus directe, la plus rapide.

Flavien Théry soumet sa proposition à ses partenaires scientifiques, Stefan Kubsky, physicien, mathématicien et pédagogue au Synchrotron Soleil, et Pierre Dhez, ancien directeur de recherches au CNRS, pour confronter leurs avis durant l’expérience. Face à cet énoncé, ces derniers prédisent l’échec d’une telle expérience en invoquant différents principes physiques.

L’artiste réalise alors une maquette expérimentale qui valide finalement son intuition.

Une ligne lumineuse s’allumant par intermittence sous la forme de flashs instantanés dessine un parcours sinueux dans un bloc de plexiglas dont l'usinage, tracé reprenant en creux la forme d’un labyrinthe, a été généré par un programme informatique. La décharge électrique luminescente emprunte effectivement le chemin le plus court dans l’enceinte de ce labyrinthe.

Cet objet conçu comme une boîte à expérience, un concentré de laboratoire confrontant les intuitions entre les disciplines (arts visuels et sciences pures) suggère une méthode commune, une approche expérimentale basée sur l’intuition et l’observation. Conçue tel un work in process, l'expérience est passée par diverses étapes montrant que le phénomène est tributaire de nombreux paramètres physiques qui peuvent modifier les résultats, comme lorsque la décharge a tout simplement "inventé" le chemin le plus direct, en perçant la matière, prenant un raccourci à travers la paroi-même du labyrinthe… Ainsi, l’expérience demeure ouverte à une possible étude qui, en prenant en compte ces paramètres (matière, formes et dimensions, nature et pression du gaz, tension et fréquence électrique…) permettrait de mieux comprendre le phénomène.

Ce projet met au jour par inductions réciproques l’image d’une forme d’intelligence complexe bien qu'opérante, soumise à un chemin souterrain et tortueux. Cette utilisation visuelle d’un phénomène naturel peut ainsi symboliser un cheminement qui ne peut se faire sans obstacles ni détours, en nous interrogeant sur la nature potentiellement déterministe des lois qui régissent notre monde."

(Texte de Karine Maire pour le catalogue de La Science de l'Art (2011), à paraître.)

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à lire :
L'intuition, cette affinité entre science et art, article d'Elise Kuntzelmann, Banque des savoirs
La Science de l'Art 2011
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